Tour des cirques par les crêtes : 4eme (et dernier) jour
pascalpenot

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Tour des cirques par les crêtes : 4eme (et dernier) jour

Par pascalpenot - 15-01-2013 10:22:50 - 4 commentaires

Tour des cirques par les crêtes : 4eme (et dernier) jour

 

4h15 du matin… lampe éteinte, je bois mon café en regardant les étoiles. Il fait bon, 23 degrés. Je repense à Hélène, à son ravito, ses mangues, ses litchis, son sourire, sa drôlerie, chic fille… Les grillons ont depuis longtemps commencé leurs sifflements en sérénade… bien avant les chants d’oiseaux qui ne vont maintenant plus tarder quand viendront les premières lueurs du soleil.

De mon périple du tour des cirques par les crêtes planifié en six jours, j’ai comme le sentiment que je terminerai ce long voyage aujourd’hui avec deux jours d’avance.

Le moral est bon, les pieds irritent certes sous la plante mais je n’ai pas d’ampoules.

Les épaules sont rouges et meurtries, fatiguées par le poids du sac qui varie entre 13 et 16 kilos selon le volume d’eau porté. Il est devenu parfois aussi lourd qu’une enclume qu’il me faut supporter. Des images de sherpa du Népal montent en moi… je ne suis pas à plaindre…

 

4h30. Je me prépare cette fois-ci un chocolat chaud. A nouveau j’éteins la frontale. Mes yeux se réhabituent à la pénombre d’une nuit qui se termine. Bizarrement, j’ai l’impression de voir un peu plus d’étoiles dans le ciel que tout à l’heure. Depuis un an ou deux, tout l’espace, les cosmos, l’univers me fascine. Je ne m’intéresse ni à sa physique, ni à sa cartographie… Reconnaitre la une petite ourse dans le ciel, ce n’est pas l’objet de ma curiosité… Non, je suis simplement fasciné par sa beauté, la pureté de sa matière, la force de ce gigantisme finalement assez simple à suivre entre la masse, la gravité, la chaleur, le froid !

Je vois des étoiles qui scintillent. D’autres sont comme des têtes d’épingles blanches qui peu à peu commencent à disparaitre dans un voile clair, comme une lueur grisâtre. Une autre lueur semble prendre le relais et se dessiner doucement sur le relief de quelques nuages. Elle annonce la prochaine levée du soleil.

L’aurore peu à peu vient. Il est bientôt 4h40. Le chocolat et le café comme tout les matins ont rempli office… direction le fourré d’à coté pour une « mise en selles ». Elle est rapide, dans la position de la chaise, les quadriceps travailleront peu !

 

Cinq heures moins le quart, les têtes d’épingles ont disparu. Places aux tâches plus sombres et de plus en plus présentes des nuages. L'ombre des cimes des montagnes se dessinent dans un nouveau décor. De gauche à droite, je redevine le cap de la roche écrite, le triangle du Cimendef le massif imposant du piton des neiges. Dans la pénombre encore présente, il rend invisible le morne de fourche placé juste devant lui.

Plus à droite, voici la ligne de crête qui sépare le cirque de Mafate de celui de Cilaos… Je vois les contours du nez de bœuf, le creux du Taibit et enfin le nez du grand bénare ou j’ai bivouaqué la nuit  précédente.

A mesure que la clarté grandit, le voile nuageux s’affirme et les lignes se précisent. De rares étoiles tentent encore de briller une dernière fois avant de quitter définitivement la scène de ce panorama.

 

Au sommet du Cimendef un béret nuageux s’est créé… d’abord sombre il semble, à la manière graduée d’un caméléon se teinter de couleurs aux tons orangés.

Le lever du jour s’installe !

Ci et là, d’autres nuages s’illuminent, rougeoient. Les dernières étoiles meurent en même que le bleu du ciel apparait. Avec lui viennent au monde sur le flan des montagnes, la forêt, les branles, la roche. Tous se dénudent de leur robe noire nocturne pour briller à nouveau et illuminer mes rêves, ma passion!

Le jour est là. Il est 5 heures… finis de rêvasser !!! Si je veux être à Dioré ce soir, il faut que je me bouge, range tout ce bordel et prépare mon sac pour la dernière journée !

 

Je me tannerai les pieds de Nok en voyant surgir le piton cabris… J’assiste en direct à la levée du voile de la brume matinale, et la création détaillée par le premier rayon du soleil des pointes des 3 Salazes.

 

Tout est clair maintenant… Une masse nuageuse venant de Salazie semble déborder sur Mafate par le col des bœufs. Elle lèche les pentes comme le ferait une mer glacée. Elle semble aussi se gonflée pendant que je dégonfle le matelas et roule le sac de couchage.

 

5h30, un autre rayon du soleil extirpe enfin du flan du gros morne la couronne ciselée du morne de fourche. Je plie la tente. Le sac est presque prêt….

 

Je rêvasse encore quelques instants en quête de nouvelles formes, de nouvelles couleurs. Quand 6h sonne, je décolle enfin!

 

Le sentier entre le piton fougères et le gite chicot démarre par une suite de courtes montagnes russes, j’ai encore le souvenir, d’une chute sur ce sentier il y a 6 ou 7 ans. Je courrais, baigné de grâce, faisant corps avec cette terre, quand j’ai buté sur une racine. Je me souviens avoir culbuté vers l’avant, dans le cirque de Mafate. Je ne sais comment, ni par quel reflexe… je sais juste que ma main a attrapé une racine. Je me souviens de m’être agrippé de toute mes forces sur cette prise… de m’être plaqué contre la paroi… Je me fêlerai une cote, le rythme cardiaque au galop !… Peut être que ce jour, à une racine près, ça sentait l’sapin.

 

Me voici maintenant à l’intersection du sentier fermé menant à l’ilet à guillaume que je continue ma route sans trainer vers le gite des chicots. La deuxième partie du sentier est moins tape cul… plus en plaine dans une forêt plus aérée avec quelques trouées de clairières magnifiques.

 

Les tamarins sont ici nombreux, énormes et majestueux parfois meurtris sans mourir par les cyclones qui les ont ici couchés, là tordus… j’adore cet arbre si emblématique de l’ile… Il aime le feu et le soleil pour germer et sait survivre quand un cyclone semble l’abattre et avoir raison de lui.

 

Au gîte des chicots, comme d’habitude, je vais à l’essentiel… le plein d’eau au robinet la cour et je trace mon chemin.

 

J’attaque maintenant la montée de la roche écrite et sa plaine magnifique entre roches, herbes, branles et petit pitons. La profondeur du panorama est ici majestueuse. J’aime traversée cette plaine par temps couvert et la découvrir par bribes, par éclaircie. Les paysages sont parfois plus beau quand on les dessine comme se construit une image en puzzle.

 

Emerveillé dans ces pensées, je pousse la chansonnette en même temps à voix haute (ça m’arrive souvent dans les sentiers) entre dutronc, brassens, amy et d’autres… J’en louperai la bifurcation à gauche pour le sentier de grand ilet. Ce n’est qu’une fois le pied posé sur les graphitis que je rendrai compte d’être au sommet… de la roche écrite !

 

Demi-tour donc… C’était pourtant bien indiqué !

 

Avec mon gros sac qui m’entraine à chaque fois que le corps penche vers la gauche ou la droite de quelques degrés, je descend prudemment le sentier raide pour entrer dans le cirque de Salazie… jugez plutôt : environ 1000 de D- en grosso merdo moins de 3 kilomètres… Bref du 30% de pentes en moyenne avec des passages bien trapus ! Juste avant d’entamer la descente vertigineuse je croise un un boug’ créole avec qui j’entame le kozé…

I di a mwin « Lo tan lé couver ! 
- ah ah pa grav sa.. lé bon pou marsé !
- ben ou vwa pa lé péizages !
- ben… péizage, mi koné !…
- amwin ossi… mi abite en ba !
- a ben lé bon alors
- bon nartrouvé ?
- nartrouvé !

 

Une fois en bas, je me pose à l’aire d’accueil de la Ravine blanche ou je trouverai 3 robinets la cour… J’ai du temps, j’ai un jour de nourriture en trop et surtout J’AI FAIM !... Alors bien qu’il soit 11h, c’est picnic avant l’heure…Moules à l’escabèche, semoule complète, soupe d’asperges, chocolat chaud ! A TABLEÛÛHHH !!!!!

 

Pendant mon déjeuner, je croiserai Harry de St gilles et Quito de la plaine des cafres. Ils viendront à ma rencontre pour discuter rando… L’un est émerveillé !... Pas vraiment par la longueur du trek mais par son originalité…. Il me dit que faire le tour des cirques par les crêtes, ben ça... il avait jamais vu et ne pensait pas que cela pour se faire…. A mesure qu’il me flattait, je sentais en lui l’envie, le désir de parcourir et de vivre à son tour les sentiers que j’avais parcouru pendant ces 4 jours.

 

Au bout d’une bonne heure de restauration, de parlote et de flânerie, je reprends la route en direction de Bé cabot. La portion de route est assez longue, traversant le quartier de Mare à martin. Je noterai la présence d’un robinet la cour au stade et d’un autre à gauche de la chapelle.  En face de cette dernière je trouverai également une boutique ou, toujours morfale, je prendrais un dynamalt bien glacé et glace magnum au chocolat blanc (hummm c’est bon !)

 

Avec moins de dénivelé que la roche écrite, le sentier de Bé cabot n’a rien à lui envier en pourcentage. Bien au contraire, par endroit, c’est encore plus raide. des murs ou il faut carrément mettre les mains !

 

Et les deux mains !

 

Une fois sur la crête je pars en quête de ma dernière cache bouteille avant la descente finale sur Dioré

 

Cette foret des hauts de l’est est magique… Des verts vifs, mulitcolores… Une exubérance… Bien que l’ayant reconnue il y a à peine plus d’un mois, j’ai du mal à la reconnaitre… en quelques pluies (c’est la saison !), la végétation s’est multipliée. Longozes recouvrent maintenant le sentier à plusieurs endroits, créant des pièges tortueux, masquant le sol ainsi les roches, les trous, les racines. La vigne marronne également et ses ronces agacantes ne sont pas en reste… je termine mon périple pour une expédition un peu galère

 

De plus, bien que je navigue parfois dans un temps assez agréable, parfois farineux mais à peine, de forte pluies la veille ont détrempé la sentier et la forêt… de la boue, partout, de la roche glissante… tout est glissant !

 

J’ai très vite le corps détrempé jusqu’au os. J’avance avec peine. Je chute souvent (je casserai un de mes bâtons). Je sais déjà que contrairement à mes prévisions, je terminerai ce voyage à la frontale, avec un peu de nuit !

 

Mais peu importe la galère. Car putain…. Mais qu’est ce que c’est beau et QU’EST CE QUE C’EST BON (oui je sais… maso… parfois !)

 

Il sera presque vingt heures quand j’arriverai au village de Dioré. Matthieu arrivera en même temps à bord de sa Twingo. Vitres ouvertes, le corps puant, c’est le retour à la civilisation… Je réalise petit à petit que je navigue maintenant sur une voie rapide. Des phares m’éblouissent et aveuglent peu à peu mes derniers rêves ou j’étais enfoui… dans cette verdure, ces brumes envoutantes… et cette cascade blanche qui moutonnait si forte sur l’autre versant, là-bas du coté du bras des lianes.

De retour à la Kaz, je me douche, la première douche depuis 4 jours… dans la glace, mon épaule est pitoyable… la peau s’est presque décollée par endroits sous le poids du sac … Il va falloir soigner ça… et vite…dans moins de 6 jours je repars me perdre pour quelques jours encore dans les bras, les flancs de cette ile que j’aime tant !

 

Fin

(à la prochaine)

 

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4 commentaires

Commentaire de Ponpon posté le 16-01-2013 à 13:55:07

4 jours difficiles mais de rêve !!! Bravo pour ton périple et merci pour ce billet !

Commentaire de freddo90 posté le 16-01-2013 à 18:17:43

Merci beaucoup pour ces 4 jours de récit qui font rêver et voyager !

Commentaire de Arclusaz posté le 18-01-2013 à 21:03:56

quel beau voyage ! bravo et encore merci de nous emmener avec toi.

Commentaire de Benman posté le 24-02-2013 à 23:08:02

clap clap clap. Merci.

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